Cette année la météo a été très bonne pour les
pommes de terre.
Résultat: une récolte en hausse de 17% et presque 500.000
tonnes de patates sur les bras. Un gaspillage fou.
Gaspillage alimentaire:
les agriculteurs doivent prendre leurs responsabilités
Cette année la météo a été
très bonne pour les pommes de terre. Résultat: une récolte en hausse de 17% et
presque 500.000 tonnes de patates sur les bras. Un gaspillage fou.
«Cette année, on va jeter
de la production car toutes les associations d'aide alimentaire au monde ne
suffiraient pas à absorber ce surplus», reconnaît Arnard Delacour, de l'Union
des producteurs de pommes de terre (UNPT) au Salon de l'agriculture.
«Le problème c'est qu'on
peut avoir une récolte qui évolue entre -5% et +10% ou plus en fonction de la
météo», ajoute-t-il. Cette année, l'été humide et frais a été très profitable.
La filière a tenté de
donner un maximum, trois camions pleins sont même partis pour des Roms en
Roumanie. Mais, tout mis bout à bout, on arrive à un don total de quelques
milliers de tonnes seulement.
Alors, il faut moins semer
? Non, répond Arnaud Delacour, car les producteurs ont aussi des années où la
récolte est en déficit.
Selon l'Onu (la FAO), 30%
de la production agricole mondiale termine à la poubelle, soit une perte
estimée à 750 milliards de dollars par an ou 1,3 milliard de tonnes de produits
comestibles.
Dans les pays en
développement, les agriculteurs manquent de capacités de stockage et de lieux
sains pour conserver leurs récoltes.
En France, «il est très
difficile de chiffrer les gaspillages» mais certaines filières gaspillent plus
que d'autres, remarque Guillaume Garot, Monsieur gaspillage alimentaire.
Le député socialiste de
Mayenne, ancien ministre délégué à l'Agroalimentaire, s'est vu confier un
rapport sur le sujet par le gouvernement. Il doit remettre ses propositions au
cours de la première quinzaine d'avril.
Il constate que dans le
lait, il y a peu de déchets car les surplus se transforment facilement en
poudre longue conservation.
Le gros problème demeure
celui des fruits et légumes, dont la production est volatile, et pour lesquels
subsiste un manque d'incitation fiscale pour le don à des associations d'aide
alimentaire comme les Restos du coeur.
Les producteurs de lait ou
d'oeufs ont obtenu de Bercy de pouvoir bénéficier d'un avoir fiscal quand
l'industriel qui a transformé leur production donne par exemple une brique de
lait ou des oeufs conditionnés.
Car les dons de lait ou
oeufs en vrac seraient impossibles pour des questions évidentes de logistique
et de conservation.
Les arboriculteurs,
maraîchers, éleveurs ou les céréaliers en revanche ne bénéficient d'un avoir
fiscal que dans le cas où ils donnent des produits agricoles bruts. Tout don de
compote, purée en flocon ou farine ne permet pas de réduction fiscale à
l'agriculteur.
Or cette année par
exemple, les producteurs de pommes ont d'importants surplus dus à une récolte
abondante en Europe et à l'embargo russe sur les produits alimentaires.
- L'embargo et les Granny
-
«Nous, on exportait
traditionnellement environ 5% de nos volumes vers la Russie, essentiellement
des Granny», raconte Laurent Maldes, directeur commercial export de la
coopérative BlueWhale, 1er exportateur français de pommes.
Du coup cette année, la
coopérative a fait appel à Solaal, une association qui tente de jouer les
intermédiaires entre les agriculteurs et les associations d'aide alimentaire.
«On a donné 1.500 tonnes»,
beaucoup de Granny, détaille le directeur commercial.
La coopérative assure
qu'elle ne jette rien car les pommes qu'elle ne donnera pas iront à la
fabrication de compotes, de fructose.
Mais pour Guillaume Garot,
ce système doit quand même être amélioré. «Il faut regarder comment optimiser
les circuits», en transformant les surplus dans l'industrie alimentaire, dans
l'alimentation animale ou en bio déchets avec le développement de la
méthanisation.
Il faut aussi mieux
organiser le glanage. Aujourd'hui, pour glaner il faut avoir l'autorisation du
propriétaire. Or beaucoup sont réticents à l'idée de voir leurs champs abîmés.
«On peut imaginer un
glanage sous forme associative qui respecterait le producteur», propose
Guillaume Garot.
Mais surtout, il faut
encourager les agriculteurs à donner. Il «faut qu'on mobilise sur le terrain,
que la démarche ne soit plus confidentielle», plaide Angélique Delahaye,
députée européenne, maraîchère et présidente de Solaal.
D'autres initiatives
émergent par ailleurs, comme les «Gueules cassées», une étiquette qui permet de
vendre des légumes moins beaux, qui ne correspondent pas aux normes standards.
APL