La transition commence à la maison
En
Suisse comme en France, des
associations aident les particuliers à
créer
leur propre énergie renouvelable. Un premier pas vers la
transition énergétique.
ENERGIES RENOUVELABLES.
Des particuliers s’organisent, seuls ou collectivement, pour créer
leurs propres sources d’énergie renouvelable. Exemples en France et en
Suisse.
L’expression «transition
énergétique» traduit mal l’énormité du défi qui attend l’Europe et le
monde dans les prochaines décennies: il s’agit de remplacer les
carburants fossiles et le nucléaire par des sources renouvelables, sans
mettre l’économie et la société à genoux.
Contrairement aux transitions énergétiques précédentes, qui impliquaient la construction d’équipements immenses comme les barrages ou les centrales nucléaires, celle qui se prépare requiert la participation d’individus et de petits groupes de citoyens. C’est ce qui frappe dans les réalisations récentes du mouvement français Energie partagée et de l’association suisse Sebasol. Il ne s’agit plus de se connecter au réseau et de payer la facture à la fin du mois. Le toit de la maison fournit l’eau chaude et l’éolienne du groupement local fournit l’électricité. La production d’énergie se rapproche des individus, qui en deviennent responsables sans atteindre l’autarcie pour autant.
Marc Mossalgue, du mouvement Énergie Partagée, était ce mois à Lausanne à l’invitation d’Alliance Sud pour expliquer comment réaliser des installations productrices d’énergie renouvelable via le financement des citoyens plutôt que par l’Etat ou des entreprises privées. L’association a soutenu à ce jour la construction de sept installations d’éoliennes, de panneaux solaires et de chauffage au bois en France, et en prépare 25 autres.
Du chauffage solaire à monter soi-même
«Energie partagée accompagne des groupes de citoyens qui souhaitent réaliser ensemble un projet d’énergie renouvelable», explique Marc Mossalgue. Les participants s’engagent avec des sommes initiales de l’ordre de 2000 euros par personne. «Si nécessaire, des fonds supplémentaires peuvent être apportés par le fonds d’investissement mis en place par le mouvement. A ce jour, la plus grande réalisation citoyenne est un ensemble de quatre éoliennes à Béganne, en Bretagne. Ce projet a rassemblé environ mille participants locaux, pour un budget total de 12 millions d’euros.» Le projet, pourtant modeste comparé à ceux des grandes industries, est déjà appréciable, comme en témoignent les éoliennes mesurant... plus de 125 mètres chacune!
L’approche diffère du côté de l’association Sebasol, basée à Lausanne et animée, entre autres, par l’ingénieur Pascal Cretton. L’idée est d’assister ceux qui le souhaitent à installer chez eux un système de chauffage solaire thermique ou au bois. Il s’agit de propager un savoir-faire au sein de la population afin de sortir l’énergie renouvelable du circuit du crédit et du travail salarié, en utilisant le temps libre et la capacité des individus à se former et à faire les choses par eux-mêmes. L’association a déjà supervisé la construction de plus de mille installations depuis 15 ans, principalement des systèmes de chauffage solaire thermique montés sur le toit des maisons.
Là où Energie partagée s’appuie sur des schémas de financement classiques, puisque les banques interviennent en prêtant de l’argent, Sebasol entend échapper au système financier et se reposer fortement sur le volontariat. L’association suisse travaille avec du matériel de récupération, pour produire des installations moins chères et plus robustes que les systèmes issus du commerce, mais toujours basées sur de solides connaissances scientifiques. La différence est que l’installation prend davantage de temps, et ce temps est fourni par les participants eux-mêmes.
Pour quels résultats? En Allemagne, 50% de l’énergie renouvelable provient d’installations détenues par les citoyens. En France, le chiffre n’est que de quelques pour-cent. Le potentiel est donc grand pour les installations solaires sur le toit des habitations, pour les éoliennes locales, et les chauffages au bois collectifs. En Suisse, des efforts ont été consentis aux niveaux fédéral et cantonal afin de favoriser les initiatives privées, par exemple à travers des subventions pour la rénovation des bâtiments. Il est également possible de vendre l’électricité solaire produite en la reversant au réseau électrique. Mais certains de ces efforts ont été victimes de leur succès et la plupart des mécanismes de financement ont été épuisés.
Au final, la part des énergies renouvelables dans le bilan énergétique total, hors énergie hydraulique, reste de l’ordre de 1 à 2%, que ce soit en Suisse, en France ou en Allemagne. La croissance de la part de l’hydraulique est quant à elle limitée car la plupart des sites sont déjà exploités. La nécessité de développer d’autres sources renouvelables est grande si l’on entend remplacer une part significative des carburants fossiles et du nucléaire.
Savoir-faire sans salaire
Pascal Cretton est convaincu que, dans le futur, une part prépondérante de la production d’énergie devra s’écarter du monde de l’économie de marché et du travail salarié. Les systèmes montés avec l’aide de Sebasol ne représentent que 10% des prix du marché, estime-t-il. Contrairement aux panneaux solaires photovoltaïques, les systèmes solaires thermiques sont assez simples pour être entretenus et réparés par les propriétaires. «Si vous regardez la télé deux heures par jour, comme la moyenne des gens, vous avez le temps d’installer et d’entretenir votre système d’énergie renouvelable», lance Pascal Cretton.
Pour l’avenir, l’ingénieur imagine qu’il faudrait sortir du modèle salarié, non seulement dans le domaine de l’énergie, mais aussi pour l’alimentation, la santé et d’autres secteurs. «Il ne s’agit pas de renoncer en totalité au travail salarié, mais de développer la partie qui y échappe», estime-t-il.
Que ce soit à l’intérieur du système financier ou en dehors, il existe un obstacle commun: le cadre légal. En France, le règlement complexe qui régit les emprunts et les investissements constitue un des principaux problèmes. Dans notre pays, les lois actuelles ne permettent pas aux locataires d’installer des sources d’énergie renouvelable de leur propre initiative, même si ceci augmenterait la valeur des bâtiments.
Les deux approches, Energie partagée et Sebasol, sont différentes dans leur philosophie et leurs méthodes. La première utilise le système financier pour permettre à de petits groupes de citoyens de réaliser des projets locaux, la seconde cherche à contourner les structures en place pour préparer un avenir moins basé sur le marché et la finance. Leur succès respectif reste couplé soit à la santé du système financier, soit à la force du volontariat. Deux ‘énergies’ notoirement difficiles à contrôler...
Collaboration: Derek Christie
Contrairement aux transitions énergétiques précédentes, qui impliquaient la construction d’équipements immenses comme les barrages ou les centrales nucléaires, celle qui se prépare requiert la participation d’individus et de petits groupes de citoyens. C’est ce qui frappe dans les réalisations récentes du mouvement français Energie partagée et de l’association suisse Sebasol. Il ne s’agit plus de se connecter au réseau et de payer la facture à la fin du mois. Le toit de la maison fournit l’eau chaude et l’éolienne du groupement local fournit l’électricité. La production d’énergie se rapproche des individus, qui en deviennent responsables sans atteindre l’autarcie pour autant.
Marc Mossalgue, du mouvement Énergie Partagée, était ce mois à Lausanne à l’invitation d’Alliance Sud pour expliquer comment réaliser des installations productrices d’énergie renouvelable via le financement des citoyens plutôt que par l’Etat ou des entreprises privées. L’association a soutenu à ce jour la construction de sept installations d’éoliennes, de panneaux solaires et de chauffage au bois en France, et en prépare 25 autres.
Du chauffage solaire à monter soi-même
«Energie partagée accompagne des groupes de citoyens qui souhaitent réaliser ensemble un projet d’énergie renouvelable», explique Marc Mossalgue. Les participants s’engagent avec des sommes initiales de l’ordre de 2000 euros par personne. «Si nécessaire, des fonds supplémentaires peuvent être apportés par le fonds d’investissement mis en place par le mouvement. A ce jour, la plus grande réalisation citoyenne est un ensemble de quatre éoliennes à Béganne, en Bretagne. Ce projet a rassemblé environ mille participants locaux, pour un budget total de 12 millions d’euros.» Le projet, pourtant modeste comparé à ceux des grandes industries, est déjà appréciable, comme en témoignent les éoliennes mesurant... plus de 125 mètres chacune!
L’approche diffère du côté de l’association Sebasol, basée à Lausanne et animée, entre autres, par l’ingénieur Pascal Cretton. L’idée est d’assister ceux qui le souhaitent à installer chez eux un système de chauffage solaire thermique ou au bois. Il s’agit de propager un savoir-faire au sein de la population afin de sortir l’énergie renouvelable du circuit du crédit et du travail salarié, en utilisant le temps libre et la capacité des individus à se former et à faire les choses par eux-mêmes. L’association a déjà supervisé la construction de plus de mille installations depuis 15 ans, principalement des systèmes de chauffage solaire thermique montés sur le toit des maisons.
Là où Energie partagée s’appuie sur des schémas de financement classiques, puisque les banques interviennent en prêtant de l’argent, Sebasol entend échapper au système financier et se reposer fortement sur le volontariat. L’association suisse travaille avec du matériel de récupération, pour produire des installations moins chères et plus robustes que les systèmes issus du commerce, mais toujours basées sur de solides connaissances scientifiques. La différence est que l’installation prend davantage de temps, et ce temps est fourni par les participants eux-mêmes.
Pour quels résultats? En Allemagne, 50% de l’énergie renouvelable provient d’installations détenues par les citoyens. En France, le chiffre n’est que de quelques pour-cent. Le potentiel est donc grand pour les installations solaires sur le toit des habitations, pour les éoliennes locales, et les chauffages au bois collectifs. En Suisse, des efforts ont été consentis aux niveaux fédéral et cantonal afin de favoriser les initiatives privées, par exemple à travers des subventions pour la rénovation des bâtiments. Il est également possible de vendre l’électricité solaire produite en la reversant au réseau électrique. Mais certains de ces efforts ont été victimes de leur succès et la plupart des mécanismes de financement ont été épuisés.
Au final, la part des énergies renouvelables dans le bilan énergétique total, hors énergie hydraulique, reste de l’ordre de 1 à 2%, que ce soit en Suisse, en France ou en Allemagne. La croissance de la part de l’hydraulique est quant à elle limitée car la plupart des sites sont déjà exploités. La nécessité de développer d’autres sources renouvelables est grande si l’on entend remplacer une part significative des carburants fossiles et du nucléaire.
Savoir-faire sans salaire
Pascal Cretton est convaincu que, dans le futur, une part prépondérante de la production d’énergie devra s’écarter du monde de l’économie de marché et du travail salarié. Les systèmes montés avec l’aide de Sebasol ne représentent que 10% des prix du marché, estime-t-il. Contrairement aux panneaux solaires photovoltaïques, les systèmes solaires thermiques sont assez simples pour être entretenus et réparés par les propriétaires. «Si vous regardez la télé deux heures par jour, comme la moyenne des gens, vous avez le temps d’installer et d’entretenir votre système d’énergie renouvelable», lance Pascal Cretton.
Pour l’avenir, l’ingénieur imagine qu’il faudrait sortir du modèle salarié, non seulement dans le domaine de l’énergie, mais aussi pour l’alimentation, la santé et d’autres secteurs. «Il ne s’agit pas de renoncer en totalité au travail salarié, mais de développer la partie qui y échappe», estime-t-il.
Que ce soit à l’intérieur du système financier ou en dehors, il existe un obstacle commun: le cadre légal. En France, le règlement complexe qui régit les emprunts et les investissements constitue un des principaux problèmes. Dans notre pays, les lois actuelles ne permettent pas aux locataires d’installer des sources d’énergie renouvelable de leur propre initiative, même si ceci augmenterait la valeur des bâtiments.
Les deux approches, Energie partagée et Sebasol, sont différentes dans leur philosophie et leurs méthodes. La première utilise le système financier pour permettre à de petits groupes de citoyens de réaliser des projets locaux, la seconde cherche à contourner les structures en place pour préparer un avenir moins basé sur le marché et la finance. Leur succès respectif reste couplé soit à la santé du système financier, soit à la force du volontariat. Deux ‘énergies’ notoirement difficiles à contrôler...
Collaboration: Derek Christie
Eric Barras a participé au programme de Sebasol pour le chauffage solaire thermique dans sa villa familiale à Enney, en Gruyère.
En quoi a consisté le travail avec Sebasol dans votre cas?J’ai suivi avec d’autres participants un cours d’une journée à Lausanne. Avec la documentation fournie par l’association, j’ai installé 6 mètres carré de panneaux solaires thermiques sur le toit de ma villa et un système de chauffage de l’eau à la buanderie, qu’un ingénieur de Sebasol est ensuite venu contrôler.
Combien de temps cela vous a-t-il pris?
Environ sept jours de travail au total. J’ai choisi l’option de faire le travail moi-même, plutôt qu’avec la participation d’un apprenti ou d’un membre de l’association.
Comment évaluez-vous le système globalement?
Cela m’a permis d’économiser sur l’installation du système, qui complète bien la pompe à chaleur et la sonde géothermique dont est aussi équipée la maison. Je me retrouve avec un système simple et robuste, que je comprends bien et dont je suis fier.
Par contre, comme le ‘do-it-yourself’ en général, je ne pense pas que ce travail soit à la portée de n’importe qui. Je suis moi-même électricien, et il faut exercer un métier manuel et avoir une certaine expérience pour réaliser les travaux d’après les indications de Sebasol.
Je trouve dommage que l’association limite son aide aux participants animés par des motivations écologiques sincères. A mon avis, on pourrait expliquer que l’auto-construction en matière d’énergie permet d’économiser de l’argent en mettant la main à l’ouvrage, que l’on soit écologiste ou non, et atteindre ainsi un public plus général.
Cadre fédéral en évolution
La «Stratégie énergétique 2050» de la Confédération prévoit de sortir du nucléaire et de diminuer drastiquement l’utilisation des carburants fossiles d’ici au milieu du siècle, avec trois axes d’action: les économies d’énergie, le développement des sources renouvelables et le développement de nouvelles technologies.Elle prévoit par exemple, d’ici 2050, la multiplication par plus de 100 des contributions solaires et éoliennes, pour contribuer à hauteur de près de 1750 Mégawatts à la production d’électricité, contre 15 Mégawatts actuellement. Cela correspondrait à environ mille grandes éoliennes et à la couverture en panneaux solaires de trois millions de toits.
De quoi parle-t-on?
Chauffage solaire thermique: Des panneaux font circuler un liquide de chauffage sur une surface exposée au soleil. Il ne s’agit pas de cellules photovoltaïques, mais simplement de «radiateurs à l’envers». Au lieu d’amener le liquide chaud pour réchauffer une maison, les panneaux amènent le liquide froid pour le chauffer au soleil. Le liquide est ensuite utilisé pour chauffer la maison et l’eau courante comme dans un système classique.Panneaux photovoltaïques: Il s’agit de panneaux solaires classiques, dans lesquels le silicium convertit directement la lumière solaire en électricité.
Chauffage au bois: Les chauffages au bois collectifs ne sont pas des poêles classiques, où le feu chauffe directement les alentours du poêle, mais s’apparentent aux autres systèmes de chauffage central. De l’eau circule dans le poêle au-dessus du feu, l’eau chaude produite est ensuite distribuée dans le système de chauffage ou le circuit d’eau chaude. Un réservoir de granulés de bois permet une alimentation continue du chauffage.
Frédéric Pont