jeudi 26 septembre 2013

Vers une économie circulaire ?



Mais c’est quoi, enfin, l’économie circulaire ?

C’est le nouveau truc à la mode, chez les écolos et les développeurs durablement : "l’économie circulaire". Mais c’est quoi, au juste ? Explication par un de ses meilleurs zélateurs.

L’économie circulaire, c’est quoi ? Disons, pour faire simple, que c’est une économie inspirée par le vivant, qui vise à découpler la création de valeur de la consommation de ressources naturelles.
Le modèle, c’est donc la biosphère : si nous avons encore besoin de faire nos preuves en la matière, le système vivant planétaire a lui largement démontré sa durabilité. 3,8 milliards d’années, si ça, ce n’est pas durable, alors qu’est-ce que c’est ? La biosphère, c’est un système de production planétaire, organisé en boucles locales de coopérations, interconnectées et interdépendantes. C’est un système sobre en énergie et en matières premières, privilégiant les ressources disponibles localement, ne produisant aucun déchet qui ne puisse être utilisé comme une ressource, recyclant à l’infini ses constituants, le tout reposant sur une source d’énergie abondante et inépuisable. Voilà qui pourrait nous inspirer quelques solutions à nos soucis du moment.
Or, si on parle d’économie circulaire aujourd’hui, c’est encore largement en référence aux sujets « jumeaux » de l’épuisement des ressources fossiles et des déchets. Mais ils ne sont que deux aspects de la question globale de la soutenabilité de notre modèle de développement.
Les atteintes à la biodiversité telles que les pollutions, l’érosion des sols, la fragmentation des écosystèmes, les introductions d’espèces ou la surexploitation dégradent la capacité de la biosphère à soutenir nos activités. Ce qui est au moins aussi grave que l’épuisement des ressources fossiles. Les ressources issues des écosystèmes ne sont renouvelables que dans la limite de leurs capacités de régénération. Tout prélèvement excessif, toute action irréversible sur les espaces naturels, revient à une forme « d’exploitation minière » du vivant, incompatible avec l’idée d’une économie circulaire.
Resynchroniser les flux économiques et les flux du vivant
L’économie circulaire est une opportunité de réconcilier économie et écologie, en resynchronisant les flux économiques avec ceux du vivant pour réinscrire durablement l’économie et l’épanouissement humain au sein des limites de la biosphère. A ce titre, elle peut être vue comme un tremplin vers un nouveau modèle de développement soutenable.
Par contre, si nous cherchons à prolonger, par le recyclage et l’efficacité énergétique, le scénario « business as usual », nous irons droit vers de graves désillusions. Au-delà de 1% de croissance annuelle de la demande de matériaux [1], le recyclage ne reporte pas significativement l’échéance de l’épuisement des ressources. La prise en compte des limites de la biosphère et des lois de la thermodynamique implique une remise en cause fondamentale de notre manière de créer de la valeur au service du bien-être humain. Si un découplage entre création de richesses et consommation de ressources est une première étape indispensable, il nous faut voir plus loin.
- L’économie circulaire, c’est, avant même les aspects techniques relatifs aux flux, aux boucles de matières ou à l’efficacité énergétique, une question de savoirs, de pratiques, de comportements humains. Sa mise en œuvre implique une vision large des projets de territoires, des nouvelles dynamiques de coopérations et d’interdépendances et des emplois à transformer et à créer. L’économie circulaire, c’est une opportunité de repenser la prospérité en ouvrant les perspectives. Cette nouvelle « économie des liaisons », reposant sur la confiance et le partage des enjeux, favorisera l’émergence de synergies nouvelles sur les territoires.

L’économie circulaire c’est un ensemble de constituants qui, combinés, prennent sens et se renforcent mutuellement :
• L’écoconception, en permettant un usage plus rationnel et une meilleure traçabilité des matières, facilite leur valorisation et leur réemploi in fine. Elle facilite aussi le réemploi des éléments semi finis en réduisant leur nombre et en facilitant leur séparation. L’écoconception doit être aussi appliquée à la distribution, à la réduction des distances parcourues, à une réflexion globale sur l’emballage, ainsi qu’aux scénarios d’usage du couple produit-service. En rendant lisible les coûts complets, elle favorise une meilleure satisfaction des besoins des consommateurs et renforce la compétitivité des entreprises.
• L’écologie industrielle et territoriale repose sur une vision globale, systémique, subsidiaire et prospective des flux sur un territoire : matières premières, énergie, eau, déplacements des personnes, savoirs et compétences. Il s’agit d’identifier les synergies potentielles, de développer les interfaces, de valoriser les ressources disponibles localement, de mettre en œuvre des circuits courts de valorisation énergie et matière, de mutualiser les services, équipements et infrastructures qui peuvent l’être.
• L’économie de fonctionnalité est un modèle de création de valeur qui repose sur la vente de l’usage et des fonctions d’un bien, plutôt que sur la vente du bien lui même. La mobilité plutôt que la voiture, l’éclairage plutôt que les ampoules. En incitant à prolonger la durée de vie des produits, elle rend possible une forte réduction des consommations de matières premières. Elle induit aussi la relocalisation d’emplois de service ou de maintenance, sécurise les approvisionnements des entreprises et limite les effets d’à coup des cycles économiques sur l’activité.
• L’économie collaborative, à travers des initiatives comme le partage et la mutualisation de biens, les achats groupés, le covoiturage, le coworking… expérimente de nouveaux modèles économiques permettant la satisfaction des besoins tout en optimisant le taux d’utilisation des équipements.
• L’alimentation ne doit pas être oubliée : lutte contre le gaspillage alimentaire, promotion de la vente en vrac, limitation des manipulations de produits frais, circuits courts limitant les pertes liées aux transports doivent être inclus dans la réflexion, de même que l’agriculture urbaine ou péri-urbaine, reposant sur des modes de productions économiquement viables sur des petites surfaces.
On le voit à travers ce panorama, l’économie circulaire est bien plus qu’une stratégie visant à recycler ou à réduire les déchets. Ses constituants sont déjà, pour certains, notre quotidien. En créant les conditions favorables à sa généralisation, en acceptant toutes ses implications, l’économie circulaire peut-être une opportunité pour l’économie, pour l’emploi, et pour l’écologie.
Mais il ne suffira pas d’apporter quelques corrections marginales à notre modèle de production actuel : incitations, fiscalité, normes techniques, évolution des compétences, accompagnement des acteurs, doivent être anticipés dès maintenant. Ce n’est qu’avec une vision forte, un portage politique sans ambigüité et véritable ambition que l’économie circulaire livrera ses fruits, et sera un levier efficace pour une transition écologique durable de notre économie.

Source : Emmanuel Delannoy pour Reporterre
Emmanuel Delannoy est directeur de l’institut INSPIRE.
Image :
. chapô : Le Blog du dd
. schéma dans l’article : Generation Ecogreen.
Lire aussi : Vive l’économie circulaire

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