Demain 100% énergies renouvelables
Lettre d'information n°1 Octobre
2013
Transition énergéthique
- Nous avons pensé que la
meilleure réponse à tous ceux qui se sont inquiétés de la non-parution des
Énergéthiques du Mené, fin septembre, était, à l’issue de quatre ans (48
numéros), de donner au plus vite une suite à cette newsletter dans un cadre
nouveau. Le combat – car c’en est un, surtout en France – pour les « 100%
énergies renouvelables » dépasse largement le cadre de quelques villages,
fussent-ils petits et gaulois, face à des puissances d’un autre calibre que les
légions romaines de l’histoire.
- Plus de dix ans de
travail dans le domaine des énergies renouvelables, avec un solide ancrage
territorial, nous ont donné à la fois une vaste ouverture sur ce qui se passe
en France, chez nos voisins et dans le monde, et l’épaisseur qui s’acquiert sur
le terrain, dans ces innombrables détails qui font qu’un projet marche ou ne
marche pas. Nous allons donc résolument sortir du petit village breton, en
multipliant les allers retours entre le local, où nous bâtissons notre avenir,
et le global, où se taillent ces empires qui nous dépassent et rêvent de nous
avaler. Il est bien difficile de s’y retrouver, dans ce bombardement incessant
d’informations souvent contradictoires qui nous frappe de toutes parts. Grâce à
nos compétences et à une liberté chèrement défendue, nous essaierons d’y voir
plus clair, pour aider ceux qui aujourd’hui ont le sentiment de ne plus trop
s’y retrouver.
La recherche des faits les
plus significatifs et leur mise en perspective seront, plus que précédemment,
le moteur de cette lettre mensuelle, à côté de nombreux exemples de
réalisations riches d’enseignements, à toutes les échelles. L’enjeu majeur
constitué par les problématiques énergétiques justifie certainement un effort
particulier pour essayer d’en démêler toute la complexité. C’est ce que à quoi
nous vous invitons ici.
L’énergie juste !*
* : Les énergies
territoriales représentent juste l’énergie nécessaire, sans déperditions, et
l’énergie pour tous, sans possibilité d’accaparement, parce que le soleil luit
pour tout le monde et le vent souffle de même.
Sommaire
1. Les projets de nos territoires
L’inauguration de la chaufferie et du réseau de
chaleur de Plessala
- Une belle réalisation,
qui arrive à point à l’entrée de l’hiver. 250 kW, environ 300 t de bois (à 25%
d’humidité) par an. C’est toujours une fête de voir sur le terrain la
concrétisation de la démarche du territoire du Mené.
Une chaudière de dernière
génération...
Une belle
inauguration ... et le rebroyage des plaquettes
Et, quoique ce soit la
quatrième, depuis 2008, avec des entreprises et des fournisseurs déjà connus,
toujours des difficultés nouvelles. Deux causes principales : la faible
capitalisation d’expérience des entreprises installatrices, dont le personnel
tourne, et qui refont parfois les mêmes bourdes d’un chantier à l’autre ;
mais surtout la dérive perfectionniste d’un grand constructeur de chaudières et
équipements connexes. Dans une recherche de réduction des coûts et de rendement
extrême, la « nouvelle génération » de machines est beaucoup moins
tolérante pour le combustible que la précédente, installée au Gouray et à Saint
Jacut. Elle est sans doute parfaite pour des plaquettes produites
industriellement en Autriche avec des billons de sapin bien calibrés. C’est
beaucoup plus dur avec nos plaquettes tout venant, issues de nos boisements
variés, feuillus ou conifères, taillis, haies ou bosquets. Un nouveau point de
vigilance, qui démontre comme il est risqué de faire des copiés-collés
Un collège des années 50
Un lycée neuf
Un groupe scolaire rénové et le CPSA...
Le réseau de chaleur de Combourg et la filière
locale bois énergie - - C’est un
projet imaginé il y a déjà bien longtemps, dans les années 90…
Depuis 2009, quelques élus
et agents tenaces de la Communauté de Communes Bretagne Romantique ont fait
sortir le projet des cartons. Nous n’en sommes pas encore à l’inauguration,
prévue pour fin 2014, et nous aurons l’occasion d’y revenir. Combourg, à
mi-chemin entre Rennes et Saint Malo, connaît un développement important, qui
se concrétise aussi dans les équipements, notamment scolaires, sportifs et
commerciaux. Le projet s’est donc bâti autour de la cité scolaire (lycée,
collège, groupe scolaire primaire et le CPSA, établissement d’enseignement
supérieur agricole), de la piscine et du complexe sportif, et d’une grande
surface commerciale. 1,5 MW, environ 1 km de réseau, de 1500 à 1800 t de bois
sec par an, provenant en totalité du territoire (dans un rayon de 20 km).
Le montage de la filière
d’approvisionnement, sous la pression de l’agglomération de Rennes toute proche
devenue très gourmande en bois, a dû se faufiler à travers les nombreux écueils
du code des marchés
publics, du code de l’urbanisme et du droit de sociétés et coopératives. Comme
tout va mieux quand chacun y met du sien ! Aujourd’hui, comme pour
l’éolien, les filières véritablement locales, c’est-à-dire également maîtrisées
localement et non aux mains de groupes financiers, sont des exceptions, et
chaque expérience nouvelle dans ce domaine permet de progresser. Merci à
Lorient et à Embrun pour les exemples donnés.
2. La transition en France et dans
le mondeLe photovoltaïque et les énergies renouvelables : la
France en état d’exception fâcheuse
1. Le PV toujours moins cher et plus abondant
Ces dernières
années, grâce à la politique très volontariste de l’Allemagne, le prix du
photovoltaïque a fortement baissé, et ce n’est pas fini. Contrairement à ce que
l’on peut lire dans la presse française, répétant les balivernes de la classe
politique et des patrons de nos grosses sociétés d’énergie, ce n’est pas dû au
dumping de l’industrie chinoise. C’est observé chez tous les producteurs qui
ont réalisé des investissements à la mesure de ce marché qui va atteindre 50 GW
par an (soit la puissance de près de 30 tranches EPR Flamanville) : 7 fois
plus qu’en 2009. Ces gains ont été obtenus par les améliorations remarquables
de la technologie des cellules, qui atteignent maintenant 20%, et
s’approcheront bientôt de 50%, ou bien qui utilisent des procédés beaucoup
moins coûteux, ce qui permettra, en Chine comme aux USA et dans de nombreux
pays, d’atteindre en 2017 un coût de 0,30 $/W (0,20 €/W) pour les panneaux,
chiffre à peine croyable. On comprend dès lors que le coût du kWh produit est
déjà, dans de nombreux pays, et même dans certaines régions françaises,
inférieur, voire bien inférieur à 0,10 €/W, et qu’il n’a donc pas fini de
baisser. Pour mémoire, nous rappelons que le coût de production du kWh EPR
(Flamanville ou anglais) se situe aujourd’hui, alors que les installations ne
sont pas encore en service, vers 0,11 €/kWh, sans compter tout ce qui a été mis
à la charge des impôts (R&D, traitement des déchets ultimes, assurances) ou
sous-évalué (démantèlement).
La chute du prix du W PV, accélérée depuis 2009
- Ceci a plusieurs
conséquences, dans la plupart des pays, où l’électricité est entièrement payée
par le consommateur, et non en partie par le contribuable (cas de la
France) : l’électricité produite localement, même par les particuliers,
est moins chère que celle fournie par le réseau, et parfois tellement moins
chère qu’il reste intéressant économiquement de la stocker pour l’utiliser la
nuit.
2. Les difficultés des compagnies d’électricité
C’est ce qui se produit
aujourd’hui dans plusieurs pays, comme les USA, l’Australie, et même
l’Allemagne, qui se lancent dans le stockage domestique. Il est clair que cela
ne va pas sans poser de sérieux problèmes aux sociétés de production d’électricité
ainsi qu’aux gestionnaires de réseaux, qui pourraient bien voir, dans les
toutes prochaines années leurs volumes de vente baisser substantiellement, de
plus de 50% par exemple. Notons que l’Allemagne monte aujourd’hui très
sérieusement en puissance, puisque l’électricité renouvelable y a atteint pour
la première fois, le 3 octobre, le seuil de 60% de la puissance en ligne. Ces
compagnies, petites et grandes, commencent à se faire du souci pour leur avenir
et développent alors plusieurs stratégies :
· Opposition frontale
contre le développement du PV diffus, avec demande de mesures législatives, en
Australie par exemple ;
· Mise en garde
contre le risque (réel) constitué par leur disparition : elles sont en
effet indispensables à l’équilibre de l’approvisionnement ;
· Mais, outre
ces manœuvres dilatoires, elles réfléchissent toutes à leur place dans le
système énergétique du futur, comme les Allemandes RWE ou E.ON, qui sera faite
d’énergies renouvelables, de stockage et de centrales d’appoint très
performantes. Ce qui va entraîner la disparition accélérée de l’outil de
production massif hérité du XXe siècle : nucléaire (terminé en 2023 en
Allemagne) et charbon (15 centrales obsolètes vont y fermer ces deux prochaines
années.)
3. La France… ailleurs
Toutes ? Que non
pas ! Notre champion national dans le domaine, EDF, mastodonte mondial en
parfaite symbiose avec l’état français et les responsables politiques et
syndicaux unanimes, nous entraîne dans une toute autre voie, celle de la
continuité réaffirmée : le nucléaire toujours plus, le réseau haute
tension et les centrales turbines à gaz pour boucher les trous. Point ne lui
est besoin de s’opposer au photovoltaïque : le tarif artificiellement bas
de l’électricité dans notre pays (une partie des charges étant assumées par le
budget de l’état), et une politique de taxation des produits PV importés, au
nom de la défense de l’industrie française (?) aboutissent à une dépression
totale, notamment cette année, du marché français du photovoltaïque, à tel point
que l’ensemble des acteurs de la filière ont lancé en ce mois d’octobre un cri
d’alarme. Inutile de préciser que non seulement la rentabilité du PV en France
est radicalement sapée par ces manipulations tarifaires, mais il n’est
absolument pas envisageable d’imaginer le stockage. Les prélèvements fiscaux
destinés l’électricité n’étant bien évidemment pas récupérables pour qui
voudrait substituer sa propre production. Bien plus, la première question que
se poserait certainement l’état en France, si une tendance à la production
locale autoconsommée se dessinait, serait celle de la taxation de tous ces kWh
qui lui échapperaient, alors même que le particulier qui aurait investi aurait
déjà largement payé TVA et autre taxes lors de l’installation.
Mais c’est ainsi, et il
est dramatique de lire des journalistes faire des contorsions pitoyables, en
parlant du dumping des grands industriels mondiaux du PV ou racontant que la
situation des énergies renouvelables s’aggrave, de nombreux pays réduisant ou
supprimant les tarifs préférentiels. C’est tout simplement parce que
l’électricité produite par le PV ou l’éolien est désormais moins chère que
celle fournie par ailleurs… Voilà la nouveauté !
3. Chroniques de la transition heureuse
Un petit tour aux
antipodes : Melbourne, ville sans émission de carbone Melbourne : une ville avec toutes les outrances de
l’urbanisme et de l’architecture modernes
City Hall 2 : l’exemple
Le verdissement des toits
Le marché sous les ombrières PV et la
forêt urbaine !
Il est difficile d’imaginer
que cette énorme agglomération, née de la ruée vers l’or au milieu du XIXe sc.,
comptant aujourd’hui plus de quatre millions d’habitants, étalée sur la surface
d’un département français (densité de population : 550 h/km²) puisse
revendiquer une exemplarité en matière énergétique et son corollaire, les
émissions de CO2. Située à l’extrême sud de l’Australie, face à l’île de la
Tasmanie, à une latitude correspondant à celle de la côte nord de l’Afrique,
elle jouit d’un climat océanique chaud : les températures n’excèdent que très
rarement 40°C, et il n’y a pas de journée où elles restent négatives (le
maximum quotidien observé le plus bas est à 4,4°C). On gère donc plutôt le
chaud que le froid, et les déplacements, sur cet immense territoire à densité moyenne
assez élevée, avec des centres plus denses.
C’est une ville très
active économiquement : le plus grand port australien, une industrie
florissante, dont la construction automobile de ce pays continent, les
nouvelles technologies et un grand centre de la finance et des affaires, avec
notamment le siège des deux géants de l’exploitation minière, Rio Tinto et BHP
Billiton, pas vraiment des exemples en matière d’environnement.
Cette agglomération, dans
un pays très marqué par l’exploitation de ressources fossiles particulièrement
abondantes qui constitue une de ses activités économiques majeures, s’est donc
engagée depuis déjà plusieurs années dans une démarche globale vers la
neutralité en carbone (zéro émission de CO2). On est surpris du peu de place donné
aux énergies renouvelables, contrairement à ce que l’on peut observer dans de
nombreux cas, comme à Austin (Texas) où nous sommes passés récemment. Dans ce
contexte, l’accent est mis sur les économies et l’usage de procédés non (ou
moins) consommateurs d’énergies fossiles : déplacements en vélo ou par les
transports en commun, très développés, malgré et à cause de l’étalement de
l’aire urbaine ; gestion très serrée et recyclage des déchets, de l’eau ;
construction de bâtiments économes en énergie grise et en énergie consommée
(utilisée plutôt pour se prémunir du chaud que du froid) et réhabilitation du
bâti existant. A priori, rien de bien nouveau dans les principes, mais ce qui
est toujours intéressant, c’est la mise en œuvre à l’échelle de tout un territoire,
toute une collectivité, avec les exemples donnés par les dirigeants.
L’objectif est clair :
émission nette zéro de carbone en 2020, dans sept ans. Autour de quelques
grands projets structurants et emblématiques, c’est une gigantesque animation
qui pousse l’ensemble de la population à se « mentaliser » sur les questions
d’énergie et d’émissions carbone. On relève notamment :
· Le nouvel hôtel de
ville, City Hall 2 (CH2), un des bâtiments les plus performants du monde, où
travaillent plus de 500 personnes,
· Le programme « 1200
buildings » portant sur 1200 ensembles immobiliers majeurs de la ville,
notamment commerciaux, qui sont progressivement réhabilités
· Green roofs, walls and
façades, pour le verdissement, et l’absorption du CO2 émis. On voit bien là que
le souci n’est pas d’abord l’énergie, mais la neutralité CO2
· Solar Energy, parce que
l’énergie est quand même la source d’émission de CO2, à réduire le plus
possible
· Urban Forest Strategy,
la gestion et le développement de la forêt urbaine, qui compte déjà près de 100
000 arbres.
On le voit, les
Australiens ont une approche différente de celle des pays tempérés ou froids de
l’hémisphère nord, beaucoup plus sensibilisés aux problématiques de l’énergie,
en tant que telle, d’où découle, bien sûr, la réduction des émissions de GES.
4. A vous de jouer !
Dans cette rubrique vous
trouverez, dès le mois prochain, des conseils ou démarches au niveau
individuel, pour tous ceux qui souhaitent s’engager dans des démarches
énergéthiques. Toute référence ou
précision relative aux articles ci-dessus pourra vous être communiquée sur
demande à la rédaction.
Rédaction : Marc Théry
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