Sortir du vieux monde
Des scientifiques affirment que les jeunes générations ont de grandes chances d’avoir une espérance de vie inférieure à celle de leurs parents (à cause des pollutions multiples). Au train où vont les choses, on peut s’attendre à des accidents climatiques sans savoir précisément ce qui arrivera. La crise énergétique va générer des catastrophes en chaîne, alimentaires notamment. Comment vivrons-nous dans trente ans ?
Je trouve qu’il y a une dimension générationnelle et métaphysique dans cette incertitude sur l’avenir.
Générationnelle car le pillage des ressources et la détérioration de la biosphère, correspondent à une génération de vivants, ceux qui sont nés après-guerre (le baby boom pour aller vite), qui lègueront à leurs petits enfants un monde chaotique. Bien sûr je ne prends pas à partie mes ainés, ils sont tout autant que moi les éléments d’un système (voir à ce sujet l’interview éclairante d’Alain Accardo). Le comble de l’ironie c’est que c’est en travaillant pour le progrès de l’humanité que cette génération a confondu science et progrès, croissance économique et développement humain, travail forcené et épanouissement, consommation et bien-être...
Il y a une histoire métaphysique également. Nous sommes aujourd’hui obligés de penser le présent en fonction des contraintes futures : laisser une Terre vivable à nos descendants. Et sauf à avouer un cynisme meurtrier, la question de ce que nous voulons faire de ce laps de temps sur terre avec nos congénères se pose âprement.
Personnellement, à défaut de solution, j’opterais pour deux postures.
D’abord celle de l’amour, comme acceptation de l’altérité et point de départ d’une démocratie (voir l’excellente chronique de Patrick Viveret "L’Amour au temps des tragédies", parue dans le dernier numéro de Territoires, citant le dernier livre d’Alain Badiou (!) Eloge de l’amour).
Ensuite, pour faire écho au dernier édito de nos copains d’Eco Sapiens, favorisons la sortie du vieux monde et ne cédons pas au catastrophisme ambiant. Pour ce qui est du catastrophisme, je me fie volontiers à Jean-Pierre Dupuy auteur du fameux Pour un catastrophisme éclairé, dans lequel il a cette phrase extraordinaire : "nous ne croyons pas ce que nous savons". Depuis vingt ans, les indicateurs sont au rouge ; le PNUD, le GIEC et les écologistes lancent des alertes, mais (presque) rien ne change.
Quant aux faux remèdes, le capitalisme sait très bien s’en accommoder (les ingurgiter même) : l’échec du sommet de Copenhague où les grandes puissances converties au développement durable cèdent au poids des lobbys étant un bon exemple. "La maison brûle et nous regardons ailleurs" avait dit un Président de la République française, peut-être faut-il se demander pourquoi. Pour changer la société, il faut changer ensemble et commencer par se changer soi-même.
Alors peut-être que sortir du vieux monde c’est rechercher la transition partout où c’est possible, à partir d’initiatives locales, écologiques et solidaires. C’est reconstruire une économie là où nous vivons à partir de besoins réels et non fantasmés, relocaliser des activités et préparer des territoires à l’après pétrole. On parle alors de territoires en résilience, capables de surmonter la fracture de la mondialisation et de retrouver une autonomie.
Évidemment la transition est avant tout une histoire d’amour, c’est à dire d’acceptation de l’altérité et de démocratie.
Finalement la transition n’est-ce pas le projet concret de l’économie alternative et solidaire ?
Cédric Lefebvre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire