Réunion importante ce
samedi 25 novembre, puisque quelques 60 personnes avaient répondu à ce
rendez-vous préparatoire à la Chaîne Humaine de dimanche 25 novembre. Après
l’introduction de Mireille Verdet et Marc Isoard, de l’ Association Dioises de
Transition Energétique, Mr Philippe
Méjean présentait le ‘Scénario NégaWatt’ (1) de sortie du Nucléaire et
‘l’Histoire du Nucléaire’ en France depuis 1945 (2).
Un futur énergétique durable selon négaWatt.
Le 24 novembre,
l’association Dioise de Transition Energétique du Dioisa demandé à Philippe
Méjean de présenter le scénario négaWatt,
scénario énergétique à l’horizon 2050. De quoi démontrer, selon ses
défenseurs, la possibilité de sortir du nucléaire d’ici une vingtaine d’années.
Dérèglement
climatique, épuisement des gisements de pétrole et de gaz, risque nucléaire…
Pour répondre à l’urgence, négaWatt, une association d’ingénieurs, travaille
depuis 2001 à l’élaboration d’un scénario énergétique alternatif. Objectif :
apporter la preuve qu’il est possible de sortir du nucléaire, tout en
respectant l’impératif d’une forte réduction des émissions de gaz à effet de
serre. Révisé en 2006, ce scénario vient d’être refondu. Conclusion des experts
: une baisse d’environ 65% de la demande énergétique est possible d’ici à 2050.
Comment ? En combinant sobriété énergétique, efficacité énergétique et
développement des énergies renouvelables.
À quoi sert le nucléaire ?
Le nucléaire sert à
produire de l’électricité (80% de notre consommation électrique en France
provient du nucléaire) mais l’électricité ne couvre que 22% de nos besoins
énergétiques. Par ailleurs, seuls 33% de l’uranium consommé par l’industrie
nucléaire sert in
fine à produire de l’électricité.
«
On parle sans
cesse de production d’énergie, argumente Philippe Mejean.
Mais jamais de la demande. Or, en prenant comme point de départ l’ensemble de
la consommation énergétique française, puis en reconstituant à partir d’elle
l’ensemble du réseau énergétique, jusqu’aux énergies primaires, on constate
qu’il existe un gigantesque gisement dans la maîtrise de l’énergie, ce que nous
appelons de manière imagée des ‘’négawatts’’. »
Comment agir ?
Selon
l’association, le plus important filon de négawatts se trouve dans le secteur
du bâtiment qui engouffre à lui seul 40% de nos besoins énergétiques. Ainsi, en
2050, on pourrait économiser 600 térawattheures (TWh) par rapport à la
consommation actuelle, ce qui correspondrait à une baisse de 63% de la
consommation. De même, les transports représenteraient un gisement de 400 TWh,
soit une diminution de 67% de la consommation dans le secteur. Puis
l’industrie, 200 TWh, soit 50% d’économie.
Pour tenir ces objectifs,
deux impératifs : une révision complète de nos modes de vie et la mise en œuvre
de politiques volontaristes. Ainsi, dans le bâtiment, il s’agira, côté
sobriété, de stabiliser le nombre d’habitants par foyer (en baisse depuis
cinquante ans selon l’Insee) et de réduire la surface moyenne par habitant. De
quoi économiser 3 millions de logements d’ici à 2050. Et pour l’efficacité, de
travailler sur l’isolation et l’optimisation des modes de chauffage. De même,
l’objectif de réduction de la consommation dans les transports résultera d’une
remise en cause de l’étalement urbain et du développement des transports en
commun.
Côté
énergies primaires, le scénario négaWatt table sur un décollage des énergies
renouvelables. En particulier de la biomasse, avec comme première ressource le
bois ; mais également du méthane issu, par exemple, des déjections d’élevage ou
par synthèse chimique à partir du dioxyde de carbone émis par l’industrie. Sans
oublier l’éolien, l’hydroélectrique et le photovoltaïque.
De quoi non seulement
sortir du nucléaire en 2033, selon les auteurs de ce scénario. Mais également
de réduire à peau de chagrin notre consommation de pétrole et de gaz. Et, ce
faisant, mettre la France en cohérence avec l’objectif d’un réchauffement
planétaire n’excédant pas 2°C. Soit le seuil critique à ne pas dépasser selon
les experts climatiques.
Pour
Philippe Mejean, « notre scénario n’est fondé que sur des technologies existantes, nous
sommes donc confiants sur ses aspects technologiques ». L’association
négaWatt a un chiffrage financier précis:
« Nous
estimons qu’en trente ans, il est possible d’économiser 750 milliards d’euros
sur notre facture d’énergies fossiles. Sans compter le gisement d’emplois
potentiels dans le solaire, l’éolien ou, bien sûr, le bâtiment. »
Et d’ajouter : « Ne rien faire n’est pas une solution. » Pour autant,
Thierry Salomon concède : « Il existe des incertitudes sur l’inertie du modèle actuel, et le type
de gouvernance ou les systèmes de prise de décisions à mettre en place pour
parvenir à nos objectifs. »
Le scénario négaWatt.
A la différence des
réponses technologiques classiques et souvent binaires (pour ou contre le
nucléaire par exemple), le scénario négaWatt propose une approche par la
demande plutôt que par l'offre, à travers le concept de services énergétiques.
Il ne peut pas mieux
tomber, le nouveau scénario négaWatt. Pour Philippe Mejean, le contexte
post-Fukushima est favorable : ''Après cet accident, le tabou de la
sortie du nucléaire en France a été levé. Et sur ces entrefaites, l'Allemagne a
décidé de sortir totalement du nucléaire. Du coup, l'interrogation sur la
faisabilité devient caduque : non seulement le scénario négaWatt 2011 est
faisable, mais on a beaucoup plus de marge de manœuvre ''. Et si la
sortie du nucléaire était une bonne nouvelle pour la France ? Car à
travers le scénario négaWatt, c'est une nouvelle perspective sociétale qui
s'exprime. En témoigne l'affluence étonnante qui entoure sa présentation
publique à Die ce 24 novembre 2012. Une
rencontre qui dépasse les cercles de spécialistes et d'experts. Le scénario
négaWatt, c'est un projet de société.
Remettre la question
énergétique dans le bon sens.
Fondée en 2001,
l'association négaWatt milite pour ''remettre la question énergétique dans
le bon sens en partant des usages et non des ressources : c'est de nous
chauffer, de nous éclairer ou de nous déplacer dont nous avons besoin, et non
de bois, d'uranium ou de pétrole''. En incarnant l'énergie dans les besoins
humains, négaWatt montre que les choix énergétiques ne sont pas que technologiques
ou matériels : ils sont porteurs de valeurs.
La trilogie
sobriété-efficacité-renouvelables fournit une triple réponse à la question de
l'avenir énergétique. Elle présente l'originalité d'être au croisement de
l'éthique et de la technologie. La sobriété interroge et les besoins et agit
sur les comportements, à travers des mesures simples comme la réduction de la
vitesse sur les routes ou le recours au co-voiturage. Elle consiste à
privilégier les usages les plus utiles et restreindre les plus extravagants.
L'efficacité consiste à agir par les choix techniques afin d'optimiser la
quantité d'énergie nécessaire à satisfaire un service énergétique donné. Le
recours aux énergies renouvelables, enfin, vise à augmenter la part de services
énergétiques alimentés par les énergies les moins polluantes et les plus
localisées.
Ingrédients de la
transition énergétique.
Il y a d'autant plus
urgence à opter pour une transition que les choix énergétiques relèvent du
temps long : les infrastructures d'aujourd'hui pèseront longtemps sur les
générations futures. Le CO2 libéré par la combustion des énergies
fossiles pèsera sur le climat de demain, les déchets nucléaires et le
démantèlement des centrales auront des coûts à long terme, et chaque goutte de
pétrole consommée aujourd'hui nous rapproche de la pénurie. Le scénario
négaWatt s'affirme soucieux de préserver le long terme. Fruit d'un travail
collectif de plus d'une quinzaine d'experts, il réactualise le scénario
antérieur (2006), qui avait inspiré certaines mesures du Grenelle, et porte sur
l'horizon 2050. Il s'agit d'une approche multidimensionnelle, qui ne se résume
pas à la lutte contre le changement climatique. Il y est aussi question de
contraintes sur l'eau et les matières premières, d'usage des sols et de la biomasse
pour l'alimentation et l'énergie.
Le modèle se fonde sur la
prise en compte des besoins de services énergétiques dans trois secteurs
principaux : la chaleur (chauffage des bâtiments, eau chaude sanitaire,
cuisson des aliments, chaleur utilisée dans les process industriels) ; la
mobilité (l'ensemble des déplacements des personnes, des matières premières et
des biens) ; l'électricité spécifique (éclairage, électroménager,
informatique, bureautique et moteurs électriques). Le scénario négaWatt analyse
secteur par secteur les gains attendus de l'application d'une démarche de
sobriété et d'efficacité. Les économies les plus importantes sont trouvées dans
le bâtiment (résidentiel + tertiaire) : avec plus de 600 TWh d'économie en
2050 par rapport à une évolution tendancielle, il connaît une réduction de 63 %
par rapport à 2010 (année de référence du scénario nW). Et ce malgré le
contexte démographique projeté par l'INSEE et que le scénario nW prend en
compte : 72,3 millions d'habitants en France en 2050, soit 7 millions de
personnes supplémentaires dont les besoins seront à satisfaire.
2,2 fois moins
d'énergie en 2050.
Dans les transports, le
scénario nW prévoit une évolution des besoins de mobilité sous l'effet des
politiques d'aménagement du territoire et de nouvelles pratiques
sociales : généralisation des transports doux et des transports en commun,
densification des espaces urbains, revitalisation des campagnes, télétravail,
covoiturage, le scénario prévoit un gain d'environ 25% de kilomètres parcourus
par personne en une année. Une meilleure efficacité des moteurs permet d'en
diminuer la consommation unitaire de 55% d'ici à 2050. Quant au véhicule
électrique, sa généralisation poserait d'importants problèmes de réseau
électrique et de matières premières, il faut donc le réserver aux trajets
courts en milieu urbain.
Dans le secteur
industriel, le scénario prévoit une baisse de 10 % à 70 % sur les besoins en
matériaux grâce à l'instauration de principes de « réparabilité » ou
« recyclabilité » et intègre un gain moyen de 35% pour les moteurs
électriques. Les énergies renouvelables dans ce secteur couvriront 30 % des
besoins de chaleur basse température d'ici à 2050. L'agroalimentaire ne sera
pas en reste et laissera plus de place à la biomasse et moins à la production
de viande et d'élevage, dans un souci de rééquilibrage des surfaces disponibles
et de souveraineté alimentaire.
Nouvelle gouvernance.
Au final, les Français ne
consommeront pas moins, mais mieux, soulignent les promoteurs du scénario négaWatt
2011. Et les gains en énergie seront considérables : 54 % sur la chaleur,
59 % sur la mobilité, et 40% sur l'électricité spécifique. Il faudra donc
fournir 2,2 fois moins d'énergie en 2050 que dans un scénario tendanciel. En
conséquence, les besoins restants seront couverts à 90 % par les énergies
renouvelables. Priorité à l'éolien avec une multiplication par 3,5 de la
puissance installée d'ici à 2020 puis encore par 2 d'ici 2050 avec 17 500
machines installées en offshore en priorité. Quant au photovoltaïque, il pourra
atteindre à terme 90 TWh par an, si une politique volontariste est instaurée.
Au total, l'ensemble des filières renouvelables pourront fournir jusqu'à 990
TWh en 2050, sur un total de 1100 TWh de besoins en énergies primaires, soit 90
% des besoins. Infrastructures et réseaux devront être adaptés à cette grande
mutation, avec des procédés de stockage innovants, comme la méthanation par
électrolyse d'hydrogène combiné à du CO2, une nouveauté de ce
scénario. Le tout permettra de se passer de nucléaire : le scénario
prévoit l'arrêt du dernier réacteur du parc en 2033. Le recours temporaire à
des centrales au gaz est proposé comme solution de transition, dans la limite
de 70 TWh par an.
Pour changer la donne, la
gouvernance de l'énergie devra aussi évoluer, souligne en conclusion le
document de présentation. Principe constitutionnel d'accès à une source
d'énergie sûre et à un prix acceptable, loi d'orientation pour la transition
énergétique et Haute Autorité indépendante de l'énergie, du climat et de l'environnement
forment les trois piliers de cette nouvelle gouvernance. Trois chantiers seront
alors prioritaires : rendre le pouvoir aux territoires pour une gestion
locale et citoyenne de l'énergie, faire de la transition énergétique l'affaire
de tous, et repenser l'urbanisme, à la recherche d'un ''mieux vivre ensemble''.
Environ 60 personnes écoutaient cette intervention à la Salle municipale Joseph
Reynaud de Die, la vieille de la Chaîne Humaine de sortie du Nucléaire et pour
les Alternatives énergétiques.
Claude Veyret
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